Organiser de fausses funérailles pour "vivre mieux"

Corée du Sud : La nouvelle mode des fausses funérailles pour vivre une "meilleure vie"

Imaginez-vous dans une salle uniquement éclairée par la lumière des bougies. Au centre de celle-ci sont installés de nombreux cercueils ouverts. Malgré le fait que vous soyez bien vivants, c'est bien vous qui devez vous allonger à l'intérieur de ces cercueils en bois. Ce programme est instauré dans certaines grandes entreprises en Corée du Sud. L'objectif est de simuler ses propres funérailles pour reprendre goût à la vie.

Mais alors d'où provient cette curieuse idée de simuler sa propre mort ? Par qui est-elle proposée, quelles en sont les principales raisons et quelles sont les conséquences sur ces personnes simulant leur propre mise en bière ?

 

Simuler ses propres funérailles

Ko Min-Su, homme de 40 ans et fondateur de Korea Life Consulting - société organisant de fausses funérailles - explique que "la Corée détient le triste record du taux de suicides, de divorces et de cancers : je voulais créer un programme pour ceux qui veulent vivre l'expérience de la mort", relaie Le Courrier International. Ko Min-Su reçoit souvent des employés dans ses locaux provenant de grandes entreprises comme Samsung Electronics ou Hyundai Motors. Ces derniers font l'expérience de la mort et leurs funérailles anticipées sont organisées par des entreprises de pompes funèbres.

Les employés déterminent alors le temps qu'il leur reste à vivre à la seconde près. Ce calcul de vie est suivi par la conduite dans une salle noyée dans la pénombre. Ils rédigent un testament orienté par un questionnaire. Guidés par leur instinct, ils doivent se poser des questions telles que Que diriez-vous à votre famille si vous mouriez aujourd'hui ? ou bien Comment jugez-vous votre travail et votre vie en général ?. Dans cette salle, de nombreux pleurs peuvent être entendus. Se mettre face à sa propre mort est une expérience si délicate que de nombreux employés envoyés par les entreprises craquent quand vient le moment de monter dans le cercueil en étant vêtus d'une robe de funérailles traditionnelle. L'ambiance est également très morbide puisque de nombreuses affiches présentant des défunts célèbres sont éparpillées dans toute la salle.

Après la mise en bière, un enterrement est simulé. Un homme vêtu d'un habit traditionnel dépose une fleur sur la poitrine des salariés, le cercueil est cloué puis de la terre est versée dessus. Suite à cela, les employés de pompes funèbres quittent la salle durant plusieurs minutes et laissent alors seules les personnes à l'intérieur de leur cercueil.

Un programme pour prendre conscience de la vie

Du côté des organisateurs, cette expérience de la mort ne peut être que bénéfique pour ces personnes. "La vie est un cadeau que nous font nos parents, mais notre façon de vivre dépend de nos choix. En faisant l'expérience de la mort, on prend conscience de la beauté de la vie" estime Ko Min-Su. "C'est une manière de se laisser aller. [...] Ensuite, vous vous sentez revigoré et vous êtes prêt à reprendre votre vie à zéro" a expliqué un opérateur funéraire Sud-coréen dans le Los Angeles Times relayé par Le Figaro. "Les participants peuvent réfléchir à leur vie et prendre conscience que la vie est belle" a déclaré de son côté Kim Hi Ho, dirigeant de l'Institut Happy Dying.

A en croire les organisateurs de ces fausses funérailles, cette expérience de la mort permettrait de réduire le taux de suicides en Corée du Sud. Un chiffre qui est bien trop élevé puisque le pays du matin clair détient le taux le plus élevé parmi les pays de l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques). Ainsi, selon les statistiques, il y aurait en moyenne 50 suicides par jour. Cette mort représente la première cause de mortalité chez les 10-30 ans. En cause, le stress de la vie quotidienne, les nombreuses heures passées au travail ou à l'école, la pression exercée par l’État pour que le taux de réussite soit élevé et également le niveau et la qualité de vie.

"J'avais l'impression d'étouffer"

Mais les principaux intéressés se sentent-ils vraiment mieux après cette expérience ? "Je n'arrive pas à croire que je vis mon dernier jour" a lancé une femme avant de lire son testament et son texte d'adieu qu'elle adressait à sa famille. "Quand ils ont cloué le cercueil et jeté la terre, j'ai eu vraiment l'impression d'être morte. Jusqu'ici la mort me paraissait lointaine, mais à présent, je pense que je dois vivre une meilleure vie" a-t-elle ajouté après avoir vécu l'expérience de la mort. "J'avais l'impression d'étouffer. J'ai beaucoup pleuré dans mon cercueil. J'ai regretté une quantité de choses et d'erreurs que j'ai faites dans ma vie" a commenté une autre femme.

Si les organisateurs prétendent que cette expérience est un moyen de mieux apprécier la vie, des sociologues occidentaux estiment qu'il ne s'agit que d'un "outil managérial". "En ayant recours à ces stages, les entreprises pensent pouvoir améliorer l'efficacité de leurs employés en leur proposant quelque chose de spectaculaire et d'intense qui leur redonnerait goût à la vie. Ce genre de pratiques est en fait un outil managérial. Rien d'étonnant quand on sait qu'on est dans une société obsédée par la performance et la réussite" a déclaré Tanguy Châtel dans les colonnes du Figaro.

Reportage vidéo sur les fausses funérailles en Corée du Sud

A Good Day To Die : Fake Funerals in South Korea par VICE Japan (Vous pouvez activer les sous-titres en français)