Comment l'Eglise fait face à la montée de la crémation ?

L'Histoire de l'humanité est remplie de rebondissements et parmi ceux-ci on peut compter les types de funérailles. Entre inhumation et incinération, nous sommes passés par diverses étapes correspondant à de multiples mœurs. Et c'est la religion qui y a joué un grand rôle. Dans le développement du monde occidental, les défunts étaient majoritairement incinérés. Mais avec la montée du Christianisme, c'est l'inhumation qui a pris le dessus.

Grand "adversaire" de la foi Chrétienne, la crémation a su s'imposer de nouveau dans le monde moderne. De telle sorte qu'aujourd'hui en France, près d'un tiers des obsèques donnent lieu à une incinération. Mais comment l’Église a réussi à tolérer ce type de funérailles ? Comment l’Église considère-t-elle aujourd'hui la crémation ?

 

La montée des demandes de crémation va de pair avec le grand changement de notre société. Si aujourd'hui près d'un tiers des obsèques donnent lieu à une crémation, les analystes prévoient que d'ici quelques années, ces demandes seront égales aux demandes d'inhumations. Il n'y a qu'à jeter un œil sur le développement des crématoriums en France. A la fin des années 1970, il y en avait moins de dix sur l'ensemble du territoire de l'Hexagone. En 2015, on en comptabilisait près de 170 en Métropole et dans les Département et Territoires d'Outre-Mer. Une explosion considérable en 45 années !

L'explication de la forte croissance des crémations

Cette subite croissance - qui n'est pas près de s'arrêter selon les analystes - peut être expliquée par divers facteurs.

Un souci budgétaire

Le premier étant un souci budgétaire. Effectivement, au départ, la crémation est moins cher que l'inhumation notamment parce que les produits achetés sont moins coûteux comme le cercueil ou l'urne cinéraire.

Si la dépouille du défunt doit être incinérée, les familles préfèreront choisir un cercueil fabriqué avec un matériau de moins bonne qualité puisqu'il est destiné à être réduit en cendres.

 

Un souci écologique

La seconde raison, qui se développe de plus en plus ces dernières années, est le souci écologique. Selon les données scientifiques, une crémation serait moins polluante qu'une inhumation. Ainsi, de plus en plus de crématoriums s'équipent de filtres évitant le rejet dans l'atmosphère de métaux lourds. La pollution des sols est également amoindrie puisque tous les produits de conservation et autres agents polluants n'alimentant pas les sols.

 

Le Saviez-Vous ?

Aujourd'hui, de nombreuses personnes évitent de parler d'incinération car ce vocabulaire est désormais utilisé pour le traitement des déchets. De même le terme "crémation" fait souvent rappel à une triste période du XXème qui n'est autre que les fours crématoires mis en fonctionnement en Europe centrale durant la Seconde Guerre Mondiale.

 

Un souci de représentation de soi

Cette troisième raison relève un peu plus de la psychologie et de l'image de soi dans la société. En résumé, elle met en confrontation l'idée que pour sa propre mort, une personne aura plus de facilité à prendre la décision d'être incinérée que pour prendre cette décision pour un proche.

 

La réaction de l’Église

L’Église et la crémation : petit point historique

Avant la montée du Christianisme, la plupart des funérailles donnaient lieu à des crémations. Sous l'Empire Romain, c'est d'ailleurs le type d'obsèques en vigueur pour les Patriciens et les Plébéiens afin que leur âme et enveloppe charnelle voyagent au Séjour des Morts en traversant le Styx.

 

En Savoir Plus

La période de l'Empire Romain est certainement l'une des périodes ancestrales les plus intéressantes à étudier en matière de funérailles. Remplie de symboliques et chargée d'Histoire, cette période nous a légué de nombreux rites encore actuels.

Sur le portail Organisation Obsèques, nous avons récemment mis en lumière ces rites funéraires de la religion Romaine. Cliquez ici pour en savoir plus.

La foi Judéo-chrétienne prenant de l'ampleur en Europe Occidentale de l'époque, c'est l'inhumation qui s'impose peu à peu. En cause, les types d'obsèques de différents personnages du Nouveau Testament qui ont été inhumés entièrement dans des sépultures afin d'attendre le Jugement Dernier.

 

Jeanne d'Arc sur le bûcher
Si au début, les deux types d'obsèques cohabitent, la crémation va soudainement être sujette à condamnation par l’Église jusqu'au XIXème siècle. Les funérailles religieuses sont alors interdites aux personnes demandant une crémation. D'ailleurs, les crémations seront principalement réservées aux hérétiques durant un certain temps.

Cette prises de position de l’Église vis-à-vis de la crémation relève de la logique des funérailles chrétiennes reposant sur trois principes qui sont le corps, l'imitation du Christ et le deuil. Mais la crémation étant trop brutale, elle remet en question le processus d'acceptation progressive notamment à cause de l'absence de traces concrètes.

C'est pourquoi, aujourd'hui et depuis plusieurs années, la crémation est toujours précédée d'une célébration des funérailles à l'église et avec le cercueil.

L'acceptation de la crémation par l’Église

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la loi sur la liberté des funérailles est antérieure à la Séparation de l’Église et de l’État. Ainsi, la crémation est autorisée légalement depuis le 15 novembre 1887 (le décret d'application étant publié le 27 avril 1889) par le biais de l'Article 3 de la loi sur la liberté des funérailles : "Tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sépulture".

Mais face à l'augmentation des demandes de crémation au fil des décennies, l’Église a été obligée de ne plus la condamner. Ainsi, depuis le 8 mai 1963, les cérémonies funéraires religieuses aboutissant sur une incinération ne sont plus condamnées par l’Église. Mais à une seule condition : que celle-ci ne manifeste pas "un rejet de l'espérance chrétienne" et "à moins que celle-ci n'ait été choisie pour des raisons contraires à la doctrine chrétienne" selon les dires de l'article 1176-3 du Code de Droit Canon.

La problématique du Sacré

Une cérémonie religieuse dans une salle d'un crématorium
Si aujourd'hui, cette pratique funéraire est tolérée - plutôt que véritablement acceptée - par le Vatican, il n'en demeure pas moins que c'est l'ensevelissement du corps qui est préféré. De plus, se pose aujourd'hui la question de la place du sacré.

En effet, de nos jours les officiels religieux sont de plus en plus demandés pour célébrer la mémoire d'un défunt au sein-même des crématoriums. Le lieu de culte est lui-même de côté par certains croyants - les bons pratiquants oublient rarement l'étape de l'église -. Ces demandes soulèvent donc la question de la place du sacré. Est-il possible d'orienter religieusement un établissement qui se doit d'être laïc et inversement, peut-on réaliser une cérémonie religieuse dans un lieu qui n'est pas considéré comme étant "la Maison de Dieu" ?

Pour répondre à ces questions tout en répondant aux grandes demandes naissantes, l’Église réfléchit à mettre en place une "équipe funérailles" qui serait donc chargée d'animer ces obsèques dans des lieux non religieux. Cette réflexion se base notamment sur le fait du manque de temps des officiels religieux des lieux de culte. À savoir que ces équipes pourront être composées de personnes non officiellement reconnues par la profession mais qui seront obligatoirement formées par l’Église.

Mais c'est une autre demande qui gèle la prise de position de l’Église face à la crémation. Outre les personnes demandant une cérémonie religieuse dans une salle du crématorium, il y a également les familles qui demandent une cérémonie dans une église avec l'urne cinéraire et non le cercueil.

Avec cette montée des demandes de personnalisation des cérémonies (vidéos, textes et musiques profanes), l’Église risque de se braquer et de faire un pas en arrière. "Ce que l'on gagne en émotion avec la personnalisation, on le perd en efficacité rituelle. L'équilibre est difficile" a expliqué Damien Le Guay, vice-président du Comité National d’Éthique du Funéraire, dans les colonnes du Figaro.

 

En Savoir Plus

Avec toutes ces nouvelles demandes de personnalisation des obsèques, il arrive parfois que des funérailles virent au cauchemar.

Pour éviter qu'une telle situation se crée, le portail Organisation Obsèques vous livre quelques conseils. Cliquez ici pour en savoir plus.

 

EN SAVOIR PLUS

LA CRÉMATION ET LES AUTRES CONFESSIONS ET RELIGIONS

L’Église Protestante a autorisé la crémation à partir de 1887 car pour elle, ce n'est pas la résurrection de la chair qui est en jeu. Selon les croyances, Dieu offre une vie après la mort indépendamment de l'état du corps.


A contrario, l’Église Orthodoxe prohibe la crémation pour diverses raisons : elle est étrangère à l’Église, l'inhumation est le respect du corps comme œuvre de Dieu alors que la crémation le brutalise, et elle peut même être la résultante d'un mépris du corps, de la volonté d'effacement total de la personne ou bien de la volonté d'effacer la mémoire du défunt. Toutefois, en 2006, l’Église Orthodoxe de Grèce en admet la pratique.


La Religion Juive ne tolère pas vraiment la crémation... sauf pour quelques grandes exceptions. Il est de coutume de rendre à Dieu ce qu'Il a créé. La crémation est donc considérée comme une destruction.


La Religion Musulmane interdit la crémation. Il faut que le corps puisse ressusciter sans souffrir. Hors dans la foi musulmane, un corps mort ressent les mêmes peines qu'un corps vivant.


Dans la Religion Bouddhiste, la crémation est fortement pratiquée. En cause, elle serait le symbole de la libération de l'âme. Toutefois, les rites peuvent varier selon les différentes cultures.


La Religion Hindouiste considère la crémation du corps comme la troisième naissance de l'Homme après sa naissance naturelle et son mariage. La crémation y est considérée comme la libération de l'âme du corps pour atteindre le Brahman (ou l'Absolu).

 

Quelques chiffres clés sur la crémation

 

9

167

30%

Le nombre de crématoriums en France en 1978

Le nombre de crématoriums en France Métropolitaine et DOM-TOM en 2015

Le pourcentage du nombre de crémations demandées en 2010 selon l'Association Française d'Information Funéraire

50%

789

1963

Le pourcentage de demandes d'incinération des Français en 2020 projeté par les analystes

L'année où Charlemagne a interdit la crémation

Le 8 mai 1963, l’Église ne condamne plus la crémation par l'article 1176-3 du Code du Droit Canon

2006

99.8%

57%

L’Église de Grèce déclare que "l’Église ne s'oppose pas et n'a pas le droit de s'opposer à la crémation des défunts appartenant à d'autres religions ou d'autres confessions chrétiennes"

Le pourcentage de crémation au Japon

Le pourcentage des 60 ans et plus qui privilégient la crémation... pour eux-mêmes

 


 Crédits visuels :

  • Visuel de l'article : © Jean-François Gornet sur Flickr / Modification : recadrage
  • Visuel Cérémonie Religieuse au Crématorium : © "Shultes Frank Architeckten - Crematorium Baumschulenweg" sur Flickr